Officiellement lancée en avril dernier, Microlux vient combler un vide à Luxembourg en soutenant la création ou le développement d’activités de personnes n’ayant pas accès au crédit bancaire traditionnel. Rencontre avec ses deux gestionnaires, Jérémy Del Rosario et Samuel Paulus.
Luxembourg, abritant dans ses grandes institutions financières une grande partie des fonds mondiaux destinés à la microfinance, fait face également sur son marché domestique à des besoins en microfinance dus à un accroissement des inégalités sociales et des difficultés d’accès au crédit bancaire traditionnel. Pourtant, le Grand-Duché restait le seul pays où une institution dédiée au microcrédit n’existait pas. Microlux a démarré ses activités en juin 2016 avec l’embauche de deux gestionnaires encadrés par un conseil d’administration constitué de représentants des quatre partenaires : BGL BNP Paribas, ADA - Aide au développement autonome –, l’Adie - Association pour le droit à l’initiative économique – et le Fonds européen d’investissement, FEI. Un accord de garantie en matière de microfinancement a été signé avec ce dernier, au titre du programme de l’Union européenne pour l’emploi et l’innovation sociale (EaSI - EU programme for employment and social innovation), permettant le remboursement des microcrédits impayés jusqu’à un certain pourcentage. Microlux soutient des entrepreneurs n’ayant pas accès au système bancaire traditionnel pour diverses raisons (migrants, précarité, bénéficiaires de RMG, chômeurs…) en leur prêtant une somme d’argent pouvant aller jusqu’à 25.000 euros. Microlux les aide à créer une toute petite, voire une microentreprise, et les accompagne en leur proposant du coaching et de l’encadrement, assurés par une équipe de bénévoles formés aux techniques du coaching, à la microfinance et à la création d’entreprise au Luxembourg. Depuis sa création, preuve qu’il y avait un réel besoin sur le territoire, Microlux a déjà financé la trésorerie, le stock ou les investissements d’une vingtaine de porteurs de projets actifs dans différents domaines, tels qu’une épicerie de produits libanais, le restaurant Syriously (voir rubrique Start-up), une école de danse, une microentreprise de dépannage informatique… et accompagné près d’une centaine de personnes.
Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez actuellement ?
« Microlux apporte une aide au financement, mais surtout accompagne les porteurs de projet après l’obtention du crédit, car beaucoup d’entre eux n’ont ni expérience ni bagages. Aujourd’hui, nous souhaitons structurer cette partie accompagnement et former nos bénévoles à la réalité du terrain avec des formations pratiques et ciblées. Nous souhaitons également mettre en forme des fiches métier sur lesquelles nous pourrons nous appuyer lorsque nous recevons nos clients, car nous nous apercevons qu’il y a des demandes récurrentes.
Quelle est la réalisation dont vous êtes les plus fiers ?
« Tout simplement d’avoir pu mettre cette structure en place. C’est un beau projet se situant entre le social et l’économique, qui laisse une deuxième chance à des personnes qui ont eu des ‘accidents’ de vie. Mais le plus important, c’est bien sûr que les résultats soient encourageants et que ces entreprises se portent bien.
Quels sont les grands défis auxquels vous devez faire face dans votre secteur d’activité ?
« Notre grand défi est notre modèle économique qui, à terme, devra être viable et durable. Bien que les taux d’intérêt pour nos clients soient un peu plus élevés que ceux des établissements financiers, l’expérience des instituts de microcrédits des pays voisins montre que les revenus provenant des intérêts ne suffisent pas à couvrir toutes les charges. Nous devrons donc trouver un modèle qui nous sera propre, peut-être en faisant appel à des mécènes ou à du sponsoring.
Si vous pouviez changer une chose dans votre secteur d’activité, quelle serait-elle ? Que pourrait faire la Chambre de Commerce en ce sens ?
« Même si beaucoup de choses ont déjà été faites pour les petites entreprises, comme la sàrl-s par exemple, une simplification des démarches ou la création d’un statut d’autoentrepreneur, comme en France, seraient une bonne chose. Une adaptation des charges au chiffre d’affaires réel ou encore la mise en place d’une période de transition progressive permettant à une personne au chômage de lancer son activité professionnelle tout en bénéficiant encore d’un minimum de ressources seraient aussi des progrès… Tout cela manque encore au Luxembourg. La Chambre de Commerce pourrait plaider pour que le microentrepreneuriat soit perçu comme une voie alternative au salariat pour s’insérer dans la société. »
Texte : Corinne Briault - Photos : Pierre Guersing et Microlux