Avis de la Chambre de Commerce
La Chambre de Commerce a publié ses avis sur trois des huit projets s’inscrivant dans la stratégie «Null Offall Lëtzebuerg» par laquelle le gouvernement ambitionne de faire transiter le Luxembourg vers une économie circulaire, basée sur une gestion responsable et durable de nos ressources et de nos déchets. Il s’agit des projets de loi n°7659 relative aux déchets (projet de loi « déchets »), n°7654 relative aux emballages et aux déchets d’emballages (projet de loi « emballages »), et n°7656 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement (projet de loi « plastique »).
La Chambre de Commerce se félicite du processus participatif et des discussions constructives menées entre le gouvernement et les acteurs concernés dans le cadre de ces projets, et soutient pleinement les principes phares les motivant, tels que la gestion et la préservation des ressources, la protection de l’environnement et l’économie circulaire.
La Chambre de Commerce regrette toutefois que le législateur soit souvent allé au-delà des exigences des trois directives européennes transposées[1], ou qu’il se soit délibérément éloigné du libellé de leurs textes, ce qui ne participe pas à une transposition uniforme de ces directives au sein de l’Union européenne, mais surtout impacte négativement les acteurs économiques nationaux. Au-delà du fait que la totalité des conséquences sur ces derniers ne semble pas avoir été prise en compte par le législateur, leur imposer des contraintes supplémentaires et unilatérales risque de mener à des distorsions de concurrence et de détériorer leur compétitivité.
Une démultiplication des points de collecte qui risque de coûter cher, sans garantie d’un tri qualitatif
La Chambre de Commerce remet en question la démultiplication des structures de collecte. Le projet de loi « déchets » prévoit en effet des points de reprise par collecte séparée dans les commerces de détail de plus de 400 m2, les supermarchés de plus de 1500 m2 et les immeubles d’au moins quatre lots résidentiels. Elle craint des coûts de collecte très élevés, sans que la qualité du tri n’en soit nécessairement gagnante. Une part importante de ces coûts serait transférée aux entreprises locales via la responsabilité élargie des producteurs[2], ce qui détériorerait davantage la compétitivité internationale ce ces dernières.
La Chambre de Commerce redoute en outre que ces points de collecte deviennent un élément de concurrence entre les supermarchés, qui pourraient subir une certaine pression à accepter tout type de déchet de la part des clients. Cela aurait indéniablement un impact sur la qualité du tri et viendrait contrecarrer les potentialités techniques et la faisabilité économique de modèles de gestion plus centralisés. Ainsi, au lieu d'augmenter le taux de recyclage comme recherché, cela pourrait simplement augmenter les coûts pour toutes les parties prenantes, tout en diminuant le taux de recyclage. Afin d’éviter de telles conséquences indésirables, la Chambre de Commerce suggère plutôt de positionner les points de collecte ouverts dans les supermarchés ou les résidences de façon complémentaire, et non additionnelle, aux systèmes de collecte existants, en se focalisant par exemple sur les suremballages.
Un système de consigne encore trop vague pour garantir l’atteinte des objectifs recherchés
La Chambre de Commerce émet des réserves quant à l’instauration d’un système de consigne luxembourgeois, tel que le prévoit le projet de loi « emballages ». Alors qu’à première vue, il peut sembler efficace pour la prévention des déchets ou encore l’atteinte des taux de retour et de recyclage, de nombreux paramètres peuvent déterminer le succès ou non d’un tel système d’un point de vue environnemental. De plus, la charge pour les entreprises, en termes d’investissements initiaux et de coûts de fonctionnement permanents, est bien réelle.
Selon la Chambre de Commerce, inscrire l’implémentation d’un système de consigne dans la loi, sans en connaître les modalités, semble quelque peu prématuré à ce stade, sachant que les études et analyses préalables indispensables à la détermination d’un système efficace pour le Luxembourg n’ont pas encore abouti. Elle insiste sur le fait que le Luxembourg ne peut pas faire cavalier seul et doit tenir compte des systèmes mis en place par ses pays voisins, afin de ne pas manquer l’objectif final voulu via l’introduction d’un système de consigne.
Des contraintes supplémentaires qui risquent de mettre à mal la compétitivité des acteurs nationaux
Le projet de loi « plastique » va au-delà de la Directive (UE) 2019/904 en imposant aux acteurs économiques luxembourgeois des restrictions supplémentaires en matière de mise sur le marché luxembourgeois de produits en plastique à usage unique. Le projet prévoit en effet de baisser de 20% leur mise sur le marché entre 2022 et 2026, puis impose une réduction annuelle de 10% à partir de 2026. La Chambre de Commerce ne peut être en faveur d’une telle contrainte additionnelle, risquant d’impacter la compétitivité des entreprises luxembourgeoises. Elle demande par conséquent de s’en tenir au libellé du texte de la Directive en les supprimant, et espère a minima que ces objectifs ont été fixés de manière pragmatique en concertation avec les professionnels des secteurs concernés.
Un contexte de crise sanitaire et économique qui ne doit pas être ignoré
Finalement, la Chambre de Commerce souhaite rappeler que ces projets s’inscrivent dans un contexte sanitaire et économique très particulier, et que les producteurs ne sont pas encore nécessairement parvenus à développer des produits respectant à la fois les mesures de sécurité sanitaire exigées et les obligations en matière environnementale. C’est pourquoi la Chambre de Commerce demande que soit envisagé un moratoire, ou tout du moins une période de transition, et ce pour les secteurs les plus impactés par la crise actuelle comme l’HORECA et le secteur de l’événementiel.
[1] Liens vers les directives européennes transposées dans les trois projets : Directive (UE) 2018/851, Directive (UE) 2018/852 et Directive (UE) 2019/904
[2] Selon le principe de responsabilité élargie du producteur inscrite dans la loi, les producteurs et les importateurs sont obligés d’assumer la responsabilité des déchets des produits qu’ils ont mis sur le marché. Ils sont en effet responsables de leur gestion efficace et de l’atteinte des objectifs de réutilisation et de valorisation. Pour ce faire, ils peuvent soit assumer cette responsabilité eux-mêmes, soit devenir membre d’un organisme agrée, qui se charge de cette gestion.