" Quand on me dit que cela fait un quart de siècle que je suis arrivé à Luxembourg, je n'arrive pas à réaliser que le temps est passé si vite et que tellement de choses ont changé depuis mon arrivée ! " plaisante Murat Mutlu, General Manager d'Immo Luxembourg.
D'origine turque, l'homme d'affaires connu pour son tempérament enjoué et son franc parler " je dis ce que je pense et je n'ai jamais su garder ma langue dans ma poche " a en effet un parcours exceptionnel, devenant quasi incontournable dans le landerneau immobilier local depuis qu'il a débarqué au Grand-Duché, petit territoire dont il ne soupçonnait même pas l'existence. " De plus, je ne parlais même pas français, j'ai appris en regardant M6 ! " s'amuse l'homme d'affaires qui a débuté sa carrière au Luxembourg en lavant des voitures, puis en enchaînant toute sorte de petits boulots, avant d'être employé par l'ambassade de Turquie. " D'ailleurs, c'est drôle, les bureaux étaient près de l'immeuble que nous avons ensuite acheté pour installer Immo Luxembourg ", agence immobilière qu'il créé il y a 13 ans, avec d'autres partenaires, et qui depuis a connu également une belle croissance.
Immo Luxembourg s'est spécialisée dans l'achat, la vente, la location, la promotion et l'estimation d'immeubles, de préférence haut de gamme, sur une zone dépassant rarement Luxembourg-ville, surtout le centre, le Kirchberg et Strassen. Mais " comme il ne faut jamais mettre tous ses œufs dans le même panier ", Murat Mutlu a également investi dans différents projets, notamment, le restaurant Elch à Bertrange, la boutique Casting et les enseignes Benetton se trouvant dans le centre commercial de la Belle Etoile.
Fier du parcours accompli, Murat Mutlu vise encore plus haut : hisser Immo Luxembourg au rang de premier acteur du secteur immobilier luxembourgeois. Interview.
Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez actuellement ?
En premier lieu, nous cherchons des terrains pour construire des maisons de retraite sur le Grand-Duché, que nous louerons ensuite. Nous ne voulons pas les gérer, car nous ne sommes pas compétents pour cela. Puis, nous travaillons également sur un projet de construction pour l'implantation d'un hôtel cinq étoiles luxe à Luxembourg-ville. Nous sommes au cœur de l'Europe, dans une ville souvent visitée par de nombreuses délégations internationales et un grand et luxueux hôtel 5 étoiles comme un Marriott, un Bristol, un Park Hyatt ... manque vraiment sur le territoire de la ville. L'objectif, pour l'instant est de le louer à une grande chaîne hôtelière internationale.
Quelle est la réalisation dont vous êtes le plus fier ?
Toutes ! Je ne peux vraiment pas dire que je suis plus fier d'un projet plutôt que d'un autre.
Quels sont les grands défis auxquels vous devez faire face dans votre secteur d'activité ?
A Luxembourg, nous devons faire face à un plan d'aménagement particulier et des procédures d'autorisation de bâtir qui peuvent durer à l'infini ! C'est un réel problème, car nous avons des partenaires étrangers qui voudraient bien investir au Luxembourg, pour plusieurs raisons, notamment son économie dynamique, sa situation géographique ou sa stabilité politique, et lorsque nous les informons du fait qu'un projet peut s'étaler sur dix ans avant d'aboutir, ils fuient, ils vont investir ailleurs ! Lorsqu'on se lance dans un projet, il y a toujours des obstacles, mais ici, tout est trop long en termes administratifs. D'autre part, trouver des terrains devient de plus en plus difficile, car les prix ont vraiment gonflé ces dernières années. D'ailleurs, à ce sujet, je ne comprends pas pourquoi les autorités s'obstinent à ne pas vouloir développer de constructions en hauteur ! Quelques étages de plus à un immeuble ne défigure pas une rue ou le paysage, et je reste persuadé que d'une manière ou d'une autre, dans quelques années, il n'y aura plus de solutions pour loger les gens. On ne pourra plus se limiter à deux ou trois étages lors des constructions de nouveaux immeubles.
Si vous pouviez changer une chose dans votre secteur d'activité, quelle serait-elle ? Que pourrait faire la Chambre de Commerce en ce sens ?
Il y en a plusieurs. Tout d'abord, il faudrait envisager des formations plus adaptées à la réalité du terrain pour les professions de l'immobilier. J'ai suivi quelques formations et à chaque fois, j'ai trouvé que les cours étaient bien trop théoriques. Nous avons tellement de mal à recruter des professionnels qualifiés dans ce secteur ! Il faut des formations concrètes sur le terrain où l'on apprend aux futurs agents immobiliers comment on fait un état des lieux, comment se passe une location, une estimation, la réception des chantiers ... ! La Chambre de Commerce pourrait proposer de tels programmes de formations au sein de ses différents organismes. Ensuite, il faudrait faire un effort de modernisation du cadre législatif. Il y a au Luxembourg, des lois qui ne sont plus adaptées au marché actuel car elles datent du Code Napoléon. Enfin, le plus important : il faudrait vraiment réfléchir à une solution pour supprimer ces congés collectifs qui sont aujourd'hui une aberration ! Je veux bien comprendre que lorsque ces congés ont été mis en place, cela avait une réelle utilité pour la vie économique du pays. Mais aujourd'hui, la majeure partie des employés du bâtiment est plutôt pénalisée par ses congés. Bien souvent les conjointes ou les femmes travaillent aussi et ne peuvent peut être pas prendre leur congés en août dans leurs emplois. Le mois d'août, au passage, est la période la plus chère de l'été pour qui veut se payer des vacances, cela n'arrange pas tout le monde non plus. C'est contre-productif, cela pénalise toute l'économie! En été, les journées sont plus longues et c'est une période où l'on pourrait travailler plus longtemps, profiter des conditions météo plus favorables, quitte à être plus flexible et à aménager les horaires en période hivernale pour compenser. La Chambre de Commerce pourrait agir en ce sens et faire passer un message aux politiques pour en finir avec cette perte de temps et d'argent qui n'a plus de raison d'être.
Texte: Corinne Briault -Photos: Pierre Guersing