Avis de la Chambre de Commerce
Avis de la Chambre de Commerce sur le projet de loi portant création d'un Fonds de dotation globale des communes
La Chambre de Commerce vient d’aviser le projet de loi portant création d’un Fonds de dotation globale des communes et le projet de règlement grand-ducal correspondant, le tout constituant la réforme attendue des finances communales. La Chambre de Commerce salue la simplification que constitue la création d’un Fonds de dotation globale des communes (FDG), qui permettra d’assurer une répartition plus cohérente et plus transparente des recettes non affectées entre les communes. Elle propose dans le même temps une adaptation de divers paramètres du projet de réforme, qui visent à remédier à plusieurs insuffisances de ce projet : (i) une éventuelle désincitation à l’accueil, par les communes, de nouvelles activités économiques ; (ii) l’introduction d’un encadrement très contraignant des taux communaux d’impôt commercial communal (ICC) ; (iii) une diversification toujours perfectible des recettes communales et enfin (iv) une prise en compte bienvenue mais insuffisante des efforts consentis par les pouvoirs locaux en matière de logement social et de fusion des communes. Le rééquilibrage des recettes communales pourrait en outre intégrer une simplification de la fiscalité des sociétés. Cette refonte consisterait à assurer une meilleure cohérence entre l’IRC et l’ICC – par exemple en homogénéisant la base imposable de ces deux prélèvements – ou même à fusionner ces deux impôts.
Sujet éminemment technique (et politique), le mode de financement des communes présente une grande importance tant pour les entreprises qu’en termes de finances publiques, comme en témoignent les montants en jeu, de l’ordre de 2 milliards EUR en 2015. Peu réformé au cours des récentes décennies, ce mode de financement semble désormais quelque peu suranné à divers égards – par exemple la non prise en compte de la situation socio-économique des communes ou encore la coexistence de deux systèmes de répartition distincts entre communes – via le Fonds communal de dotation financière d’une part et l’impôt commercial communal, d’autre part. L’actuel mode de financement s’accompagne par ailleurs d’une grande disparité entre les communes, tant en termes de recettes que de dépenses.
Des avancées qu’il conviendrait d’accentuer
La Chambre de Commerce salue par conséquent la présente tentative de réforme et cette incontestable simplification que constitue la création d’un système de répartition uniforme des deux principales recettes non affectées des communes (soit l’ICC et l’actuel Fonds communal de dotation financière), dont le FDG est le pivot. Cette simplification est de nature à assurer une meilleure appropriation des finances communales par le grand public et même par les administrations locales concernées. La Chambre de Commerce se félicite par ailleurs de l’introduction de nouvelles dispositions plus en phase avec les réalités du terrain, à savoir en particulier la prise en compte de la situation socio-économique des communes, la reconnaissance de l’effort accompli par les pouvoirs locaux en matière de logement social ou encore le transfert additionnel favorisant les fusions de communes.
Ces indiscutables avancées devraient cependant être plus affirmées. Compte tenu de l’étroitesse actuelle du marché du logement, il est regrettable que le critère associé au logement social soit appelé à représenter moins de 1% de l’enveloppe globale du FDG. La Chambre de Commerce recommande un rehaussement de ce seuil, de même que du montant fixe alloué aux communes pour chaque logement social mis en location. Un goût de « trop peu » caractérise également le nouvel avantage dont bénéficieraient en particulier les communes ayant procédé à des fusions, le gain associé demeurant en tout état de cause inférieur à 100 EUR par an et par habitant. En outre, le seuil de référence guidant le calcul de cet avantage, c’est-à-dire 3.000 habitants, est trop faible eu égard à la taille moyenne des communes dans d’autres pays et considérant les résultats de certaines analyses portant sur la « taille optimale » d’une commune au Luxembourg (soit environ 8.000 personnes selon la radiographie des finances communales menée à bien par la BCL et publiée en 2012).
A ces insuffisances s’ajoutent deux dispositions guidées par de bonnes intentions, mais dont les implications microéconomiques pourraient être assez dommageables.
Un « intéressement ICC » limité des communes
En premier lieu, les modalités techniques de la réforme sont de nature à induire une diminution sensible de l’« intéressement communal » en matière d’ICC, c’est-à-dire la quote-part des recettes d’ICC localisées sur le territoire d’une commune donnée que peut conserver cette dernière. Une telle situation pourrait dissuader certaines communes d’accueillir sur leurs territoires des activités nouvelles et à aménager leurs infrastructures en conséquence. Afin d’éviter une telle distorsion de leurs incitations microéconomiques, pouvant donner lieu, à l’échelle nationale, à un sous-investissement dans les infrastructures et voiries communales requises, la Chambre de Commerce invite les auteurs du projet de loi sous avis à reconsidérer le mode de calcul de la participation directe des communes au produit de l’ICC. Cet impératif pourrait être atteint en révisant ou même en supprimant le plafonnement envisagé du montant par habitant de l’intéressement communal à l’ICC. Dans le même état d’esprit, la Chambre de Commerce encourage les autorités à revoir à la hausse le critère de répartition du FDG basé sur le nombre de salariés – qui se limiterait à 3% dans le projet de loi sous avis – et à étendre ce critère à l’emploi indépendant.
Une fixation des taux communaux d’ICC étroitement encadrée
En second lieu, une nouvelle disposition introduite par le projet de réforme pourrait limiter drastiquement la marge de manœuvre fiscale des communes, dans la mesure où il va contraindre les taux communaux à l’ICC à se mouvoir dans un couloir fort étroit. Si cette contrainte fiscale était mise en œuvre, de nombreuses communes, dont la ville de Luxembourg, ne seraient plus en mesure d’introduire des taux d’imposition plus compétitifs. La Chambre de Commerce appelle dès lors instamment les autorités à soit maintenir la situation présente, qui permet à une commune de choisir en connaissance de cause le taux d’imposition le plus adapté à sa situation économique et aux aspirations de ses administrés, soit à élargir fortement l’étendue des taux pouvant être appliqués au niveau communal.
Un rééquilibrage des finances communales, garant de stabilité
Enfin, une réforme pleine et entière des finances communales ne peut se concevoir sans une diversification des recettes des communes, qui reposent actuellement à raison de 23% environ sur l’ICC et de 1% seulement sur l’impôt foncier. Un rééquilibrage du poids relatif de ces deux ressources permettrait de mieux contenir la progression continue et soutenue des prix du logement. Un tel effort de recomposition serait par ailleurs de nature à stabiliser les recettes des communes, l’impôt foncier étant par nature nettement moins volatil que l’ICC. Les recettes d’ICC sont au demeurant très concentrées sur un petit nombre de contribuables et de secteurs économiques, ce qui constitue pour les communes dans leur ensemble une incontestable source de vulnérabilité. La Chambre de Commerce espère par conséquent qu’un rééquilibrage verra le jour dans les meilleurs délais, d’autant que l’impôt foncier ne représente que 0,1% du PIB luxembourgeois, contre plus de 1% dans l’ensemble de la zone euro. Le rééquilibrage en question, consistant à modifier la répartition des impôts communaux et non leur montant total, permettrait de compléter harmonieusement tant la réforme fiscale prévue pour 2017 que celle des finances communales.
Le rééquilibrage des recettes communales pourrait prendre un tour plus global, en intégrant une simplification de la fiscalité des sociétés. Cette refonte consisterait à assurer une meilleure cohérence entre l’IRC et l’ICC – par exemple en homogénéisant la base imposable de ces deux prélèvements – ou même à fusionner ces deux impôts. L’impôt des sociétés « unique » résultant d’une telle fusion pourrait être calibré afin d’assurer sa compatibilité avec la réforme envisagée des finances communales et avec un intéressement approprié des communes, tout en permettant à ces dernières de moduler l’impôt des sociétés localisées sur leur territoire en fonction des préférences respectives de leurs administrés en termes de taxation et d’accès aux biens collectifs.
Un rééquilibrage pourrait également se déployer sur le versant des dépenses, dont le niveau est fort disparate d’une commune à l’autre. Un surcroît d’efficacité et des synergies accrues entre pouvoirs locaux, d’une part, et entre ces derniers et l’Etat central, d’autre part, s’imposeraient assurément en termes de dépenses – d’investissement en particulier.
Ces divers réaménagements ne remettraient nullement en cause l’économie d’ensemble d’une réforme des finances communales fondamentalement utile et bienvenue. Ils contribueraient à compléter cette réforme et à assurer sa durabilité et son efficacité, en termes de finances publiques, d’attractivité économique et sur le plan social.
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