Avis de la Chambre de Commerce
Suite à la remise en cause par la Cour de justice de l’Union européenne des pratiques de certains Etats membres en matière de TVA sur les groupements autonomes de personnes (GAP), le gouvernement propose l'introduction d'un nouveau régime distinct de groupe TVA, conforme à la Directive 2006/112/CE. Dans l'avis que la Chambre de Commerce vient d'émettre sur le projet de loi afférent, elle accueille très favorablement la solution proposée par le gouvernement, qui renforcera la compétitivité du Luxembourg, mais estime que le texte reste perfectible sur certains points.
Avec le projet de loi n°7278, le gouvernement réagit à quatre arrêts que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait rendus en 2017 pour remettre en cause les pratiques de plusieurs pays - dont le Luxembourg - en matière de TVA sur les GAP. Le GAP visait à offrir une exonération de TVA sur des sociétés liées et partageant des ressources généralement de support, comme une équipe IT ou un service comptabilité pour deux sociétés distinctes mais liées entre elles par un actionnaire commun. Par ses arrêts de 2017, la CJUE a, d'une part, limité l’application du régime GAP à seulement quelques activités d’intérêt général, notamment le secteur de la santé mais pas exclusivement et, d'autre part, précisé que les membres du groupement qui exercent également des activités imposables ne peuvent bénéficier de l’exonération que si leurs services sont directement nécessaires aux activités exonérées desdits membres. En conséquence, les activités bancaires et d’assurances se sont retrouvées exclues de ce mécanisme alors que les banques et assureurs y avaient très largement recours.
Suite aux arrêts de la CJUE, les autorités luxembourgeoises avaient décidé, dans un premier temps, d’abroger le règlement grand-ducal modifié du 21 janvier 2004 relatif aux GAP et, dans un second temps, de « pallier », dans la mesure du possible, ce manque en introduisant par le projet de loi n°7278 le régime distinct de groupe TVA. Dans les grandes lignes, ce nouveau régime de groupe TVA luxembourgeois doit permettre à différentes entités juridiques d’un même groupe d’être considérées comme un seul assujetti à la TVA. Ce faisant, les transactions, prestations de services et livraisons de biens entre ses membres ne sont pas soumises à la TVA car elles sont considérées comme des opérations internes. Ce régime est actuellement déjà en place dans 18 Etats membres de l’Union européenne. Par l’introduction du groupe TVA, le gouvernement répond donc à une urgence du secteur financier qui suite aux différents arrêts de la CJUE ne pouvait plus bénéficier du régime de GAP comme par le passé.
Un projet de loi urgent, nécessaire et équilibré
Dans l'avis qu'elle vient de rendre sur le projet de loi n°7278, la Chambre de Commerce se félicite d’avoir été entendue, du moins partiellement, en son appel à trouver une alternative à la disparition du GAP. Comme évoqué dans son avis du 15 septembre 2017, en sus d’un GAP réaménagé, elle avait recommandé l’introduction d’un régime d’unité TVA, soit l’équivalent du groupe TVA. La Chambre de Commerce accueille dès lors très favorablement l’introduction du groupe TVA dans son principe et, dans une large mesure, également dans ses modalités et conditions. Elle est d’autant plus satisfaite que, par comparaison avec d’autres régimes de groupe TVA existants dans d’autres Etats membres, le projet apparait suffisamment équilibré entre les attentes des entreprises et les nécessités de contrôle par l’administration.
Parmi les points positifs retenus dans son avis, la Chambre de Commerce relève le fait que le nouveau régime n’ait pas été limité au seul secteur financier, comme en Suède, en Finlande ou encore à Malte. En effet, même si les entreprises du secteur financier sont les premières intéressées par ce régime, leurs consoeurs du secteur non-financier le sont aussi notamment par l’absence de préfinancement de la TVA sur les opérations entre membres, la réduction du nombre de déclarations et de paiements ou encore la consolidation en une seule position des débits et crédits envers l’administration de l’enregistrement et des domaines.
La Chambre de Commerce salue par ailleurs le caractère non-obligatoire du groupe (contrairement aux législations allemandes, autrichiennes et néerlandaises), même si elle estime que la possibilité d’exercer une clause d’ « opt-out » reste imparfaite dans sa forme actuelle puisqu’elle ne permet qu’un « all opt-out » ou « all opt-in ». De même, la chambre professionnelle aurait souhaité dans l’exposé des motifs l'inclusion non seulement d'un exemple « négatif » d’une société (société qui donne en location des biens et services à un groupe TVA ne pouvant déduire que partiellement la TVA), mais également des exemples « positifs » d’exercice légitime de l’option TVA comme en cas de sociétés n’ayant qu’une importance marginale par rapport au groupe et dont les systèmes comptables différents complexifient grandement l’intégration dans le groupe. La Chambre de Commerce estime en tout cas que la référence à la loi modifiée du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales et les règles de consolidation afin de définir les liens financiers permet un cadre à la fois précis et suffisamment flexible grâce à la possibilité de se baser sur des liens financiers de fait.
Dernier avantage, non des moindres, la Chambre de Commerce soutient le système proposé des numéros de TVA auxiliaires qui offrira une facilité appréciable aux entreprises. Ce dernier point est particulièrement important pour les sociétés du secteur commercial, industriel et des services qui ont souvent un nombre important de fournisseurs et de prestataires ainsi que de clients établis en dehors du Luxembourg. Un changement de numéro de TVA aurait, en effet, souvent impliqué des difficultés pratiques : factures émises à tort avec TVA, factures émises à une mauvaise entité, etc.
Laisser le choix aux entreprises
La Chambre de Commerce aimerait également que la possibilité de rentrer ou non dans le nouveau groupe TVA soit laissée à celles des entités répondant aux conditions du paragraphe 2 de l’article 60ter projeté de la Loi TVA. Elle demande par ailleurs de revoir et de préciser certaines dispositions du projet de loi pour supprimer l’insécurité juridique qu'il fait subsister, d'une part, sur la composition du groupe et, d'autre part, sur la définition exacte des activités normales d’un groupe TVA. Ce dernier point devrait être clarifié via un règlement grand-ducal ou autre, afin de permettre aux entreprises de bien cerner les situations où une telle charge de TVA doit être considérée et ainsi, pouvoir budgétiser en fonction.
Enfin, la Chambre de Commerce se permet de relever que, malgré l’introduction louable du groupe TVA, plusieurs banques/assureurs ne pourront pas ou ne voudront pas rentrer dans ce mécanisme en raison d’une organisation interne particulière et des règles de localisation de leurs opérations qui leur ferait payer au final plus de TVA que s’ils n’avaient pas recours au groupe. Dans un contexte de Brexit, il ne faudrait pas oublier cette catégorie et envisager ce qui pourrait être fait pour ces ressortissants, les structures planifiées jusqu’ici étant remises en question.
Le texte intégral de l'avis de la Chambre de Commerce est disponible sur son site web.