Les 10 recommandations de la Chambre de Commerce

Budget de l'Etat 2008: un rééquilibrage durable des finances publiques?

La Chambre de Commerce se félicite du rééquilibrage budgétaire de l’Administration publique par rapport aux estimations établies en 2006 par le Gouvernement. Cet équilibre découle de recettes non-récurrentes et de la conjoncture favorable enregistrée depuis fin 2005. Cependant, à la lecture de la situation financière actuelle de l’Etat, cet équilibre n’apparaît guère comme étant durable. La grande vulnérabilité de l’économie luxembourgeoise à divers chocs externes et le ralentissement économique prévu en 2008 sont d’autres facteurs qui risquent d’entraver l’équilibre de nos finances publiques.

A la lumière de ces enseignements, la Chambre de Commerce fait les recommandations suivantes aux autorités gouvernementales dans son avis sur le projet de budget 2008 :

1) adopter comme objectif à moyen terme de la politique budgétaire un surplus de l’Administration publique égal à au moins 1,5% du PIB en termes structurels[1]. Un tel objectif paraît raisonnable à l’aune des plantureux excédents enregistrés jusqu’en 2002. Il permettrait (i) de dégager une marge de manœuvre en faveur d’un environnement fiscal plus favorable aux entreprises, contribuant à rétablir la compétitivité de l’économie luxembourgeoise ; (ii) de restaurer le niveau des actifs des fonds d’investissement publics, afin de préserver leurs projets d’investissement des aléas de la conjoncture et de permettre à ces fonds d’exercer de façon effective leur traditionnelle fonction de stabilisation économique ; (iii) de faire face aux conséquences prévisibles du vieillissement de la population ;

2) économiser en 2008 un montant de l’ordre de 200 millions EUR[2]. Cette consolidation permettrait de combler rapidement l’essentiel de la divergence entre d’une part l’objectif précité de 1,5% du PIB et d’autre part le surplus structurel des Administrations publiques tel qu’estimé dans la 9ème actualisation du Programme de stabilité du Luxembourg, à savoir 0,7% du PIB ;

3) affecter une partie des excédents budgétaires à un fonds souverain permettant d’assurer à l’économie luxembourgeoise une grande résilience face à d’éventuels chocs négatifs futurs. Le Luxembourg pourrait s’inspirer de l’exemple d’autres économies ouvertes dépendant de façon significative d’un nombre réduit de secteurs d’activité, par exemple la Norvège, Singapour ou divers Etats de la péninsule arabique. Les raisons ayant motivé ces pays à mettre en place de tels fonds ainsi que les modalités présidant à l’organisation et à la gestion de ces fonds gagneraient à être étudiées avec la plus grande attention ;

4) renforcer à cette fin l’attrait fiscal du Luxembourg, qui sur le plan européen ne se situe que dans une position médiane en ce qui concerne l’imposition des sociétés. Le projet de budget 2008 comporte des avancées positives[3], mais nettement en retrait des mesures adoptées en faveur des particuliers. Vu l’urgence d’une action proactive en matière d’une augmentation de l’attrait fiscal du Grand-Duché, la Chambre de Commerce met beaucoup d’espoir dans les travaux du groupe de travail qui vient d’être créé et qui réunit des représentants du Gouvernement et des entreprises ;

5) maintenir à un niveau élevé les investissements de l’Administration publique, qui préparent le pays aux défis de l’avenir et répondent aux objectifs de développement durable. Selon les données de la comptabilité nationale[4] les investissements publics se seraient établis à 4,0% du PIB en 2006, alors qu’ils ont en moyenne atteint 4,5% du PIB sur la période de cinq ans 2001-2005. Les partenariats public-privé (PPP) peuvent constituer une modalité de financement efficace des projets d’investissement de l’Etat, face à la forte diminution des réserves des fonds spéciaux. Ces projets doivent avoir des retombées sur l'économie luxembourgeoise. Une condition sine qua non est que les critères figurant dans les appels d'offre permettent aux entreprises nationales de concourir et d'avoir de réelles chances d'être retenues ;

6) remédier à la rigidité des dépenses courantes, qui permettrait de constituer une marge de manœuvre nécessaire au maintien des investissements à un niveau élevé et permettant de faire face aux autres défis précédemment mentionnés. Si la progression des dépenses courantes des Administrations publiques a connu une décélération significative de 2003 à 2006, leur rythme d’augmentation demeure nettement plus soutenu que dans les pays voisins. De surcroît, le niveau absolu de ces dépenses est lui-même beaucoup plus élevé que dans ces trois pays. Une telle action sur le volet des dépenses permettrait de mettre un terme à l’effet ciseaux. Pour l’Administration centrale (optique européenne), le projet de budget 2008 prévoit une croissance des dépenses (+13,3%) supérieure à celle des recettes (+10,8%) sur la période de deux ans 2006-2008, de sorte que l’effet ciseaux tendrait à perdurer ;

7) définir la politique budgétaire en fonction des priorités en matière de développement durable et prendre en compte toutes les interrelations entre les différents champs politiques concernés par ses trois dimensions[5]. La Chambre de Commerce attache une grande importance à la réalisation d’objectifs sociaux et environnementaux ambitieux, mais recommande de mettre en œuvre ces objectifs dans une approche globale, internationale, et en évitant tout cavalier seul du Luxembourg. Par ailleurs, les objectifs doivent se réaliser dans le cadre de politiques reposant sur une analyse de coût économique par rapport à l’efficacité des mesures envisagées ;

8) remédier à la dichotomie entre les évolutions conjoncturelle et structurelle de l'économie luxembourgeoise. D’une part, la croissance du PIB se maintient au-delà de 4% depuis 2005. D’autre part, l’économie du Grand-Duché présente de sérieux handicaps dans la compétition internationale, comme l’atteste le bilan mitigé de la compétitivité de l’économie luxembourgeoise établi par un grand nombre d’observateurs. Si ces handicaps sont partiellement camouflés par la conjoncture mondiale favorable, ils n’en sont pas moins réels et pourraient se révéler pleinement dans un environnement conjoncturel moins porteur ;

9) renforcer l’efficacité des dépenses à travers un recentrage de l’action de l’Etat sur les missions identifiées comme prioritaires, gage d’une plus grande transparence et d’une utilisation plus rationnelle des deniers publics. Une présentation des projets de budget successifs par missions et programmes serait bien plus performante de ce point de vue que l’actuelle présentation administrative. Cette question a déjà été soulevée par le Rapporteur du projet de budget 2006. En outre, l’Etat français présente son projet de budget de cette manière depuis 2006. L’allocation des moyens financiers de l’Etat suivant ses grandes missions présenterait le grand avantage de passer d’une culture des moyens à une culture des résultats, sur la base d’indicateurs de performance ;

10) poursuivre l’effort de transparence dans la présentation du budget entrepris dès l’année dernière. La confrontation des optiques nationale et européenne permet d’avoir une vision plus exhaustive de la politique budgétaire et de préciser la portée macro-économique de cette dernière. Cet effort de transparence gagnerait à être poursuivi. Le volume III du projet de budget devrait idéalement être déposé en même temps que les deux autres volumes. La présentation simultanée du volume I et du volume II relatif au programme pluriannuel des dépenses en capital constitue déjà un progrès notable par rapport aux exercices antérieurs, et il en est de même de la publication précoce de la 9ème actualisation du Programme de stabilité. L’éclatement de crédits globaux en plusieurs sous-crédits a également contribué à renforcer l’indispensable transparence. Par contre, la Chambre de Commerce observe certaines transmutations de crédits courants en crédits en capital, ce qui flatte artificiellement l’évolution de la structure des dépenses.


[1]soit après apurement des effets de la conjoncture et des mesures temporaires.

[2]La Chambre de Commerce a fait des propositions concrètes à cet égard dans le chapitre 3.3. de son avis budgétaire.

[3]cf. diminution de moitié du droit d’apport et son abolition dès 2010 (alors que son abolition dès 2008 aurait été souhaitable), l’augmentation de la bonification d’impôt de 10% à 12% pour investissement et les mesures visant à favoriser les activités et investissements en matière de propriété intellectuelle.

[4]qui diffèrent légèrement des estimations fournies à l’occasion du dépôt du projet de budget le 10 octobre 2007.

[5]Triptyque économie-social-environnement.