Lux4Defence : 10 recommandations pour développer une base industrielle et technologique de Défense renforcée au Luxembourg

Face à la montée des tensions géopolitiques et à la réaffirmation des priorités sécuritaires en Europe, le Luxembourg doit jouer pleinement son rôle. À travers son rapport stratégique « Lux4Defence », la Chambre de Commerce trace une feuille de route ambitieuse pour structurer une véritable base industrielle et technologique de Défense dans le pays. Objectif : transformer l’augmentation des dépenses militaires en levier de souveraineté, de croissance économique et d’innovation, en capitalisant sur les atouts technologiques nationaux et en fédérant les acteurs publics et privés autour d’une vision commune.

Philippe Glaesener, membre élu de la Chambre de Commerce et président du Groupe de travail Défense et Carlo Thelen, directeur général de la Chambre de Commerce © Charly Petit, Chambre de Commerce

Dans la dynamique de réarmement de l’Europe qui s’est engagée, le Luxembourg assume ses responsabilités en intensifiant son effort de Défense, lequel sera porté à 1,46 milliard d’euros en 2030 (et probablement beaucoup plus) contre 190 millions en 2014. Le pays doit maintenant franchir une nouvelle étape, car la simple augmentation des dépenses militaires ne suffit pas pour répondre aux enjeux stratégiques de souveraineté qu’imposent le nouveau contexte géopolitique. Il faut s’appuyer sur la substance économique existante au Luxembourg pour structurer une base industrielle et technologique de Défense nationale, capable de répondre aux enjeux de sécurité tout en générant un retour économique maximal. 

« Chaque euro investi dans la Défense et la sécurité du pays doit être aussi un levier de croissance, de compétitivité et d’innovation pour le Luxembourg », résume Carlo Thelen, le Directeur Général de la Chambre de Commerce. 

C’est dans cet esprit que la Chambre de Commerce a présenté ce 29 avril 2025, le rapport stratégique « Lux4Defence ». Ce document est le fruit d’un travail collaboratif entre représentants d’entreprises et d’institutions actives dans le domaine de la Défense, fédérés au sein d’un groupe de travail initié en septembre 2024 par la Chambre de Commerce et présidé par Philippe Glaesener, membre élu. 

L’état des lieux est sans appel : le Luxembourg part avec un déficit d’expérience industrielle et commerciale dans le domaine de la Défense. Pourtant, les besoins sont immenses, les investissements croissants, et le pays dispose d’atouts technologiques (dans le spatial, la cybersécurité, les matériaux avancés, l’équipement du soldat…) qui ne demandent qu’à être consolidés. 

Les 10 recommandations 

Le groupe de travail a élaboré 10 recommandations qui ont été présentées fin mars au Premier Ministre et aux Ministres concernés, dans une approche collaborative et constructive. Elles visent à créer les conditions d’un développement rapide et efficace de la base industrielle et technologique de Défense nationale. 

1. Développer une base industrielle et technologique de Défense autour de quelques spécialisations 

Le Luxembourg doit capitaliser sur ses domaines d’excellence pour bâtir des projets industriels ciblés, en évitant toute dispersion. 

2. Créer une Task Force nationale de la Défense 

Cette structure interministérielle dotée d’un mandat opérationnel centraliserait la mise en œuvre de la stratégie économique en matière de Défense. Elle assurerait la coordination des financements, la stratégie d’innovation, les relations avec l’OTAN et l’Union européenne, et piloterait le développement de projets souverains. 

3. Créer un Hub de la Défense 

Il serait pertinent de créer un site sécurisé, mutualisé et habilité, dédié aux entreprises, start-ups et laboratoires souhaitant innover dans la Défense. Ce Hub abriterait la Task Force, l’infrastructure de test (recommandation n°5) et l’Association des entreprises du secteur, offrant un environnement unique de coopération et de prototypage. 

4. Améliorer le passage de la recherche au développement dans le domaine de la Défense avec des mécanismes adaptés

Le Luxembourg est performant en recherche, mais les projets peinent à franchir le cap du développement industriel. Le rapport propose un dispositif complet pour combler cette lacune : mécanismes de précommandes commerciales (PCP), création d’un fonds de recherche et d’innovation Défense, mise en place d’un crédit d’impôt recherche, implication accrue des entreprises dans la sélection des projets financés par le FNR… 

5. Créer une infrastructure nationale de test et de validation 

Le développement technologique exige des tests en conditions réelles. Le rapport propose la création d’un centre national de test permettant des expérimentations scientifiques, techniques et opérationnelles, avec des standards de sécurité élevés. 

6. Créer une Marketplace recensant les produits et services proposés par les acteurs de la Défense 

Il s’agirait d’une plateforme numérique, accessible aux clients gouvernementaux, recensant les produits, services et expertises des entreprises luxembourgeoises actives dans la Défense. « Ce sera notre vitrine commerciale stratégique », annonce Philippe Glaesener, membre élu de la Chambre de Commerce et Président du groupe de travail. 

7. Développer une politique d’offsets 

Il est indispensable d’élaborer une stratégie nationale pour encadrer les offsets, c’està-dire les contreparties industrielles associées aux commandes militaires. Dans ce cadre, chaque contrat d’armement signé avec des fournisseurs étrangers devrait inclure des retombées industrielles pour le Luxembourg (sous-traitance, transferts technologiques, co-développement). 

8. Faire de l’Armée un acteur du projet industriel et technologique de Défense 

L’Armée luxembourgeoise doit être le premier partenaire des industriels. Elle doit être impliquée dans la R&D très en amont : tests, prototypage, retours d’expérience. Elle pourrait ainsi commander des solutions « duales » ou purement militaires innovantes, accélérant leur industrialisation. 

9. Orienter et anticiper les besoins capacitaires de l’OTAN et de l’Union européennes 

Le Luxembourg doit renforcer son influence au sein des instances qui déterminent et attribuent les demandes capacitaires (OTAN, Agence européenne de Défense, etc.), ceci afin de pouvoir orienter les demandes vers les secteurs de spécialisation, mais aussi mieux anticiper les demandes capacitaires futures. 

10. Lever les restrictions légales au développement d’une industrie de Défense 

La loi luxembourgeoise reste inadaptée à l’émergence d’une industrie militaire. Il faut notamment revoir la loi sur les armes (2022) afin de lever les champs d’insécurité juridique qui peuvent constituer un frein à l’installation ou au développement d’entreprises actives dans le domaine de la Défense. 

Un engagement : la création d’une association nationale des entreprises de la Défense 

En remettant les recommandations au Gouvernement, les entreprises participant au groupe de travail de la Chambre de Commerce ont par ailleurs pris un engagement ferme : celui d’unir leurs forces pour défendre leurs intérêts en créant une Association Nationale des Entreprises de la Défense (ANED). Cette ASBL, en cours de constitution, deviendra une plateforme d’échange, de représentation et de développement pour les entreprises luxembourgeoises évoluant dans ce secteur stratégique. « L’ANED sera le partenaire privilégié du Gouvernement pour le déploiement de sa politique économique de Défense, annonce Philippe Glaesener. Car les entreprises et le Gouvernement partagent véritablement un intérêt commun. » Selon nos estimations, si le Luxembourg obtenait 60% de retour sur ses futures dépenses militaires, ce serait environ 2.000 emplois directs qui pourraient être créés dans le pays. Et bien plus encore si l’effort de Défense venait à dépasser la cible actuelle de 2% du Revenu national brut comme certains pays l’envisagent. 

« Lux4Defence n’est pas un rapport de plus : c’est une invitation à agir maintenant et un mode d’emploi pour l’implémentation de mesures concrètes, dans un contexte géopolitique qui l’impose », conclut Carlo Thelen.

de g. à dr. : Jil Brimaire, economist, Anthony Villeneuve, senior economist, Philippe Glaesener, membre élu de la Chambre de Commerce et président du Groupe de travail Défense et Carlo Thelen, directeur général de la Chambre de Commerce, Bérengère Beffort, Head of Public Relations © Charly Petit, Chambre de Commerce
© Charly Petit, Chambre de Commerce