Stratégie digitale du Luxembourg et grands défis de la zone euro

Journées de l'Economie

Véritable plateforme de réflexion sur l'économie luxembourgeoise, les Journées de l'Economie ont porté cette année sur deux thématiques d'actualité : le développement de l'économie numérique et les défis de la zone euro. Organisées conjointement par le Ministère de l'Économie, la Chambre de Commerce du Grand-Duché de Luxembourg et la Fedil - Business Federation Luxembourg, en collaboration avec PwC Luxembourg, ces deux journées de conférence ont attiré cette année près de 400 participants.

Présentée comme la pierre angulaire de la diversification économique, l'économie numérique fait l'objet de toutes les attentions. Le rôle de l'Etat, les enjeux et les secteurs porteurs étaient au coeur des débats de cette première journée de conférence.

Les questions européennes étaient au coeur des débats de la deuxième journée. Les négociations en cours entre la Grèce et l'Eurogroupe sont venues rappeler les grands défis auxquels la zone euro est confrontée. Face à une crise dont les effets se font toujours sentir, le modèle à suivre pour retrouver le chemin de la croissance pose question.

Luxembourg, terre fertile pour les digital entrepreneurs

" L'ICT n'en est pas à ses débuts au Luxembourg. Il représente près de 7% du PIB. L'emploi dans ce secteur a augmenté de 31% depuis 2007 et la valeur créée de près de 45%. Toute initiative visant à renforcer l'ICT et à positionner le Luxembourg comme une Smart Nation est évidemment souhaitable et bienvenue ". C'est par ces mots que Carlo Thelen, directeur général de la Chambre de Commerce, a ouvert la première journée de conférence.

Créateur de valeur, générateur de gains de productivité... L'économie numérique peut bénéficier à l'ensemble des secteurs de l'économie : les utilisateurs, pour qui la transformation digitale est un vecteur de croissance, les créateurs de contenu, et aussi les producteurs (fabricants de composants ou entreprises des télécommunications).

Si tous les acteurs s'accordent sur la nécessité de développer les entreprises technologiques innovantes, le rôle de l'Etat pose question. " Tout Etat désireux de développer l'économie numérique doit avant tout proposer un environnement favorable. Quels sont les besoins des startups ? Trouver des talents hautement qualifiés pour développer leur projet, mais aussi un financement pour commercialiser leurs services, le tout dans un environnement ouvert car leur marché n'est pas local ou national mais international " explique Dominique Roux, président de la Chaire Economie numérique de l'Université Paris Dauphine.

Le Luxembourg est, à cet égard, bien positionné. En atteste le développement du secteur, " résultat d'une politique de diversification mise en oeuvre depuis dix ans " a rappelé Francine Closener, Secrétaire d'Etat à l'Économie. Mais la concurrence que se livrent les pays pour développer et attirer les entreprises du secteur nécessite de maintenir les efforts. " Sur les cinq dernières années, nous avons investi près d'un demi-milliard d'euros. Un chiffre impressionnant, mais absolument nécessaire pour augmenter nos capacités en matière d'internet ultrarapide et de connectivité internationale. "

Infrastructures mais aussi compétences et talents, financement, simplification des démarches administratives sont au coeur des actions du gouvernement, avec l'appui des acteurs du monde de l'ICT. Pour définir et coordonner ces actions, l'initiative Digital Lëtzbuerg réunit des experts des secteurs privé et public sous la houlette d'Anne-Catherine Ries, Conseiller, Ministère d'Etat, Service des Médias et des Communications. Avec un but unique, partagé par l'ensemble des acteurs du monde économique de la place : pour renforcer le positionnement et le rayonnement du pays comme centre d'excellence dans l'ICT, l'État doit être un facilitateur.

L'Europe face à la crise, le grand écart

Quel(s) modèle(s) économique(s) pour l'Europe et pour chacun de ses pays membre ? Didier Mouget, Managing Partner, PwC Luxembourg, a dressé le tableau du Luxembourg en ouverture de la deuxième journée de conférence. " Le Luxembourg reste un des rares pays où le dialogue est pratiqué à tous les niveaux de la vie économique et sociale. La stratégie du pays a depuis longtemps été de s'orienter vers l'international. Cela semble porter ses fruits : selon les prévisions de la Commission Européenne, la croissance devrait être de 3% fin 2014, ralentir à 2.4% en 2015 en raison des ajustements du secteur financier en réponse au nouveau cadre réglementaire pour repartir à la hausse en 2016, à 2.9%. "

Guntram Wolff, directeur du Bruegel Institute, voit dans la crise un révélateur des faiblesses de la zone euro. Les divergences de points de vue sur les causes et les solutions à apporter, ajoutées aux problèmes de gouvernance de la zone, ont retardé la mise en place de réformes structurelles. Déjà avant la crise, les germes de la discorde étaient semés, avec un petit noyau dur de pays en surplus budgétaire, créancier de pays " périphériques " en déficit budgétaire récurrent et endettés. Le robinet du crédit s'est coupé net avec la crise, mettant dos à dos les uns et les autres. Selon Monsieur Wolff, l'Allemagne et la France, couple-moteur de la zone, sont emblématiques de ces divergences.

Affichant un surplus budgétaire, une balance commerciale excédentaire, un PIB en croissance depuis près d'une décennie, l'Allemagne a tous les atouts du bon élève de la zone euro. C'est pourtant cet argument qu'Olaf Gersemann, responsable du service Économie de Die Welt, réfute. En faisant le choix de la modération salariale, de la compétitivité et des exportations, l'Allemagne a aussi fait une croix sur sa demande intérieure. Durant sa présentation, il a pointé plusieurs faiblesses qui freineront tôt ou tard sa croissance : une démographie en berne, une croissance de la productivité quasi-nulle, et un faible taux d'investissement. Est-ce tenable dans la durée ?

Face au modèle allemand, Lionel Fontagné professeur d'économie à l'Université Paris I Panthéon- Sorbonne a souligné, lui, le paradoxe français : avec un euro faible, un prix du pétrole au plus bas, les conditions de la croissance sont réunies mais les performances restent décevantes. Quels en sont les facteurs de blocage ? La compétitivité est en berne depuis 2006, le déficit public atteint les 4% du PIB et le taux de chômage est proche des 10%. L'économiste entrevoit des signes encourageants avec les orientations du nouveau gouvernement. La loi Macron prévoit un paquet de mesures pour " déverrouiller la croissance " avec, pour les plus symboliques, un assouplissement du travail le dimanche ou l'ouverture du transport par autocar à la concurrence. Mais la France garde cette image de pays difficile à réformer.

Entre ces deux approches divergentes qui tiraillent la zone euro, quelle solution adopter ? Economistes et représentants des milieux économiques présents s'accordent sur la nécessité d'une plus grande concertation et coordination des politiques budgétaire, fiscale, salariale... La balle est dans le camp des décideurs politiques. Pour les investisseurs, la stabilité reste un gage de sécurité. Le Luxembourg, qui partage et comprend les cultures de ses deux voisins et principaux partenaires économiques, a là une carte à jouer.

Les Journées de l'Economie soutiennent l'entreprenariat. Les recettes tirées des frais d'inscription seront entièrement reversés à Jonk Entrepreneuren. L'association a pour but de perpétuer et de dynamiser le mouvement " esprit d'entreprendre " au niveau de l'enseignement luxembourgeois. (http://jonk-entrepreneuren.lu).