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Affaires économiques
Economie et Finances

Résultats du Baromètre de l’Économie du premier semestre 2024

(de gauche à droite) : Christel Chatelain, Directrice des Affaires Economiques - Carlo Thelen, Directeur Général - Bérengère Beffort, Head of Public Relations, Marketing & Communication

Ces trois dernières années, les motifs d’espoir ont été rares pour les acteurs de l’économie luxembourgeoise. Actuellement, l’environnement des affaires reste très mitigé, pénalisé par un climat géopolitique explosif, un coût du travail de plus en plus élevé, une inflation persistante et des taux d’intérêt qui freinent l’investissement. Certains secteurs, notamment dans les services ou les transports, semblent pourtant retrouver une forme d’optimisme. D’autres, comme l’HORECA ou la construction, restent toujours plongés dans une situation difficile.

Ces résultats émanent de l’enquête semestrielle du Baromètre de l’Économie de la Chambre de Commerce (11ème édition) réalisée du 8 au 29 avril avec la participation de 711 entreprises de 6 salariés et plus. 

Depuis le second semestre 2021, le score du Baromètre de l’Économie baissait inexorablement de semestre en semestre, jusqu’à « tomber » à 48,9/100 au second semestre 2023. Pour ce premier semestre 2024, on assiste à un très léger rebond, avec un score de 49,5/100. Le score final en légère hausse est lié aux prévisions de rentabilité des entreprises. Elles sont moins alarmistes qu’il y a 6 mois, tout en restant globalement préoccupantes. Par ailleurs, il y a une légère remontée de la confiance dans l’économie luxembourgeoise. En revanche, les résultats sont toujours moroses concernant d’autres indicateurs clés comme les investissements, pourtant indispensables à la croissance future et à la réussite des transitions écologique et digitale.

La confiance en l’avenir remonte

Entre le second semestre 2021 et le second semestre 2023, le pourcentage de chefs d’entreprises confiants dans l’avenir de l’économie luxembourgeoise avait chuté de 23 points, passant de 87% à 64%. Une baisse spectaculaire, qui témoigne de la violence des chocs économiques. Au premier semestre 2024, pour la première fois en trois ans, la confiance à moyen terme en l’économie nationale repart très légèrement à la hausse, à 67%. Ce taux reste faible. Le patient n’est pas guéri, loin de là, mais l’hémorragie de confiance semble stoppée. Il faut noter que toutes les entreprises ne partagent pas le même niveau de confiance. Ainsi, si le secteur des transports (80%) ou des services financiers (77%) semblent particulièrement confiants pour l’avenir de l’économie luxembourgeoise, le score tombe à 56% pour la construction et même à 51% pour l’HORECA.

Les leaders interrogés ont toujours un peu plus confiance en l’avenir de leur propre entreprise (72%). Un score cependant en baisse de 2 points par rapport au semestre précédent. Ainsi, l’écart entre le niveau de confiance en l’avenir de l’économie et celui en l’avenir de l’entreprise semble se resserrer. Rappelons que les deux courbes étaient historiquement très proches jusqu’en 2022, date à laquelle la crise inflationniste a provoqué un découplage.

Si la confiance reste basse, c’est sans doute parce que l’activité n’est pas au niveau attendu. Alors que 28% des chefs d’entreprises anticipaient une progression de leur activité à six mois au moment de l’enquête du second semestre 2023, seuls 20% de ceux interrogés au premier semestre 2024 ont effectivement constaté une amélioration au cours des six mois écoulés. Pire : ils n’étaient que 19% à anticiper une diminution de leur activité il y a six mois, alors qu’en ce printemps 2024, 34% des chefs d’entreprises déclarent avoir vu leur activité reculer. Résultat : seuls 24% des sondés anticipent désormais une progression de l’activité pour le semestre qui s’ouvre et 54% anticipent une stagnation. Même stagnation attendue sur le front de l’emploi : 65% des chefs d’entreprises estiment que les effectifs vont rester stables dans les six prochains mois, 18% qu’ils vont augmenter et 17% qu’ils vont diminuer.

Autre indicateur qui reste préoccupant : la rentabilité est toujours en berne. Seules 18% des entreprises anticipent une amélioration de leur rentabilité au cours des six prochains mois. Avec certes 4 points de plus qu’au semestre précédent, cela reste très faible. D’autant que 28% des entreprises prévoient toujours une diminution de leur rentabilité, avec certains secteurs particulièrement exposés, comme la construction (43%) ou le commerce (33%).

« La rentabilité est toujours une préoccupation majeure pour les entreprises, souligne Carlo Thelen. Celle-ci a été largement amputée par la flambée des coûts salariaux et des prix de l’énergie. C’est pourtant bien leur rentabilité qui permet aux entreprises de se développer, en recrutant et en investissant. »

L’investissement, fortement impacté par les taux d’intérêt élevés, constitue un autre sujet d’inquiétude. 27% des répondants disent prévoir une diminution de leurs investissements au cours des six prochains moins. C’est 6 points de plus qu’au semestre dernier, preuve d’une nette dégradation en la matière. 57% prévoient de les stabiliser et seulement 18% de les augmenter. Ces investissements seront principalement consacrés au renouvellement d’équipements usagés ou obsolètes (43%), à la modernisation des équipements et installations (32%) et à l’introduction de nouveaux produits ou services (26%).

Le pouls des entreprises face aux défis socio-économiques du moment

En ce premier semestre 2024, la Chambre de Commerce a souhaité consacrer la partie thématique du Baromètre de l’Économie aux grands défis socio-économiques du moment. Des sujets qui figurent à l’agenda politique du nouveau Gouvernement. « Alors que de grands chantiers vont s’ouvrir pour permettre à notre pays de solutionner ses problèmes structurels en matière de logement, de pensions, mais aussi dans le rapport au travail, il nous a semblé important de prendre le pouls des entreprises sur ces grands défis », indique Carlo Thelen.

Interrogés sur les causes de la crise du logement, 59% des répondants ont cité les taux d’intérêt élevés parmi leurs trois réponses. Arrivent ensuite le manque de logements abordables (44%), les conditions d’octroi de crédits demandées par les banques (41%), la spéculation sur les terrains et les logements (40%) et le prix de la construction (40%). Des causes multiples, donc, qui, aux yeux des entrepreneurs, limitent la capacité d’action du Gouvernement. Ainsi, seuls 24% d’entre eux estiment que la crise du logement va s’atténuer courant 2024 sous l’effet des mesures d’urgence adoptées. 67% pensent que la crise va perdurer cette année.

Cette crise n’est pas sans impact sur l’activité des entreprises. 55% des répondants pensent qu’elle est à l’origine de leurs difficultés à recruter et 35% qu’elle constitue un frein pour retenir les talents. Les chefs d’entreprises disent aussi éprouver des difficultés à acheter, louer ou construire des locaux professionnels, ainsi qu’à payer les loyers pour ces locaux (27%). Alors que la compétitivité du Luxembourg décline dangereusement dans les classements internationaux, 76% des répondants considèrent que les difficultés sur le marché du logement ont un impact négatif sur la compétitivité et l’attractivité du Luxembourg. 27% des entreprises tentent pourtant d’apporter des réponses à cette crise avec les moyens qui sont à leur disposition, en proposant par exemple des bonifications d’intérêt pour les salariés propriétaires (15%), la mise à disposition d’une chambre (6%), d’un appartement (6%) ou encore la participation aux frais de logement (4%). Ces avantages offerts aux salariés restent néanmoins très peu mobilisés, étant donné que 73% des entreprises n’en proposent pas.

Les entreprises ont également été interrogées sur les mesures qui devraient être mises en œuvre prioritairement pour garantir l’équilibre du système de pension. 35% des répondants ont cité la « réduction de l’écart entre l’âge légal (65 ans) et l’âge effectif moyen de départ à la retraite (61 ans) ». C’est de loin la réponse la plus donnée. Les propositions suivantes arrivent loin derrière : l’aménagement des périodes d’assurances complémentaires (22%), la prolongation de l’âge légal (21%), la hausse des cotisations (17%) et la suppression de l’allocation de fin d’année des pensions (16%).

Autre défi du moment : l’absentéisme, qui a augmenté de manière très inquiétante depuis la crise sanitaire, selon les données de l’IGSS. 42% des répondants affirment que l’absentéisme a augmenté dans leur entreprise et parmi eux, 64% indiquent que cette augmentation a eu un fort impact sur leur activité. Face à ce constat, les entreprises appellent à un renforcement des dispositifs de lutte contre l’absentéisme abusif, à travers des contrôles administratifs (67%) ou des contre-examens médicaux (57%), ou encore l’introduction d’un jour de carence (39%), sans toutefois négliger l’importance de la qualité de vie au travail (37%).

« Rétablir la productivité, surmonter la crise du logement et mettre en œuvre des solutions durables pour pérenniser le système d’assurance pension figurent parmi les principaux défis économiques. À l’aube du discours du Premier ministre sur l’état de la Nation, nous espérons des annonces de mesures structurelles en ce sens », résume Carlo Thelen.

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En vue des élections européennes 

A quelques jours des élections européennes, la Chambre de Commerce a par ailleurs interrogé les entrepreneurs sur ce que devraient être les priorités de l’Union européenne pour les cinq prochaines années. 49% des répondants ont cité « un allègement de la réglementation » parmi les trois réponses données, devant « la réindustrialisation de l’Europe » (43%) et « le renforcement de la souveraineté énergétique (36%). Carlo Thelen a livré une analyse détaillée de ces résultats sur son Blog, le 13 mai dernier et appelé à un renforcement du marché intérieur. L'Europe devra renouer avec les besoins des entreprises et opérer un changement de paradigme en matière de politique économique.

Carlo Thelen, Directeur Général