IMD World Competitiveness Yearbook 2017 et Digital Competitiveness Ranking
Deux principales conclusions émergent de l’édition 2017 du World Competitiveness Yearbook (WCY) de l’institut suisse IMD[1] qui vient de paraître : si d’une part, le Grand-Duché fête en 2017 son retour dans le palmarès des 10 pays les plus compétitifs « toutes catégories confondues », avec une très bonne 8e place mondiale des économies les plus performantes parmi 63 pays, il doit, d’autre part, se contenter d’une 20e place dans le nouveau classement sectoriel sur la compétitivité digitale des pays, dorénavant produit par l’IMD concomitamment au WCY. A l’heure de la « Troisième Révolution Industrielle » et de manière plus générale de la digitalisation de l’économie et des modèles d’affaires, ce classement « digital » spécifique est le bienvenu en ce sens qu’il permet d’apprécier les forces du Luxembourg en la matière, mais également les « pierres d’achoppement » sur lesquelles le Grand-Duché devra travailler pour être, demain, un champion et un précurseur de l’économie durable et interconnectée.
L’évolution du classement général du WCY en un clin d’œil
Le recul du 6e au 11e rang entre 2015 et 2016 ayant paru quelque peu alarmant, il est important de rappeler que le Luxembourg avait profité en 2015 d’une série d’annonces de réformes structurelles dans les domaines du logement, des transports publics ou encore de l’aménagement du territoire qui tardaient à être mises en œuvre en 2016. En 2015, ces annonces s’étaient alors favorablement traduites en des indicateurs de perception – qui sont collectés par IMD à côté d’indicateurs statistiques – plus favorables, avec une évolution en sens inverse en 2016.
Le classement est mené par Hong-Kong (2e année de suite), suivi de la Suisse, Singapour, des USA (position la plus basse depuis 5 ans) et des Pays-Bas (8e en 2016). Le top 10 est complété par l’Irlande, le Danemark, le Luxembourg, la Suède et les Emirats arabes unis. L’Allemagne se situe à la 13e place (-1), la Belgique à la 23e (-1) et la France à la 31e place (+1).
Occupant la 3e place cette année (7e en 2016), les performances économiques du Luxembourg demeurent excellentes. Porté par des indicateurs au beau fixe dans les sous-piliers « Investissements internationaux » et « Commerce international », le Grand-Duché doit continuer à être un ambassadeur du libre-échange afin de consolider ses performances. Il s’agit cependant d’être vigilant par rapport aux sous-piliers « Prix » (différentiel d’inflation et perte de places au niveau des loyers et du coût de la vie) et « Economie nationale » où le soutien de la compétitivité des entreprises (start-ups et entreprises traditionnelles) ne doit pas faiblir et où les efforts entrepris en matière de diversification économique doivent redoubler – ce que montre l’indicateur de perception issu de l’enquête auprès de entrepreneurs luxembourgeois « diversification de l’économie », qui, tout en gagnant 4 places ne parvient pas à quitter le milieu de classement (34e).
Pour ce qui est de l’efficacité des pouvoirs publics, ce pilier est le seul à perdre des places cette année (-3 places, 15e position). La politique fiscale notamment, pourtant un avantage traditionnel du site luxembourgeois, connaît une perte de 6 rangs (44e), signe que la réforme fiscale n’a pas encore atteint tous ses objectifs pour les entreprises. S’y ajoutent les enjeux liés à différentes initiatives internationales telles que BEPS[1] et ACCIS[2], qui représentent un défi supplémentaire à relever par l’économie luxembourgeoise. Sur le versant de la simplification administrative, les autorisations d’établissement, de construire ou bien en matière d’urbanisme, ou encore en matière environnementale peinent à être accélérées. S’y ajoute un système de protection sociale qui, à politique inchangée, est financièrement insoutenable et qui est donc en train de se transformer en une bombe à retardement.
L’évolution du pilier de l’environnement des affaires légèrement positive dans l’ensemble (+3 places, 6e), cache également certains problèmes structurels persistants, notamment sur le marché du travail. Alors que le secteur financier se porte globalement bien, les répondants à l’enquête considèrent que les PME (perte de 4 places, 18e) auraient moins bien réussi à augmenter leur efficience en comparaison aux standards internationaux en la matière que les grandes entreprises (+2 places, 18e). Par ailleurs, en analysant la productivité sur une période pluriannuelle on constate que la productivité du travail par heure n’a pas progressé en 15 ans alors que l’emploi a progressé - signe que la croissance est surtout et encore quantitative et loin des prémisses d’une croissance qualitative pourtant indispensable car plus soutenable. Il est en outre urgent de poursuivre la réforme et la flexibilisation intelligente du marché du travail afin qu’il soit prêt pour l’économie digitalisée, en palliant par ailleurs au « manque de main-d’œuvre qualifiée » qui devient un souci de plus en plus évident (baisse de la 40e à la 44e place).
Des mesures correctrices s’imposent également au niveau des infrastructures (+2 places, 22e). Malgré des améliorations notables notamment dans le sous-pilier des « Infrastructures de base », qui comporte beaucoup d’indicateurs de perception, le Luxembourg devra redoubler d’efforts dans les années qui viennent, le classement en la matière s’étant enlisé, oscillant entre une 21e et une 24e place depuis 2010. Il demeure une insuffisance au niveau des infrastructures, souvent immatérielles, nécessaires au déploiement des secteurs qui devraient porter l’économie luxembourgeoise à l’avenir. Coup de projecteur sur les partenariats public-privé, le soutien de la R&D et l’éducation, clés du développement endogène.
Cette année, l’IMD publie en parallèle un rapport sur la compétitivité digitale des pays où le Luxembourg se classe 20e sur 63 pays, preuve qu’il reste des efforts à faire.
Digitalisation : du pain sur la planche numérique
Pour la première fois cette année, l’IMD publie en parallèle du WCY un rapport sur la compétitivité digitale des pays visant à évaluer la capacité des pays d’adopter et d’utiliser les technologies digitales censées mener à une transformation du business model et de la société dans son ensemble, basé sur 50 indicateurs. Le Luxembourg y figure à la 20e place. A côté de certains indicateurs que l’on retrouve déjà dans le WCY (p. ex. « Total expenditure on R&D », « Starting a business », « Internet bandwidth speed »), l’IMD a introduit d’autres indicateurs dans les 3 piliers que sont « Knowledge », « Technology » et « Future Readiness » (p.ex. « net flow of international students », « E-government » et « Use of big data and analytics »).[3]
Pour ce qui est du classement digital du Luxembourg, il s’avère que la 20e place (sur 63 pays) cache des évolutions très divergentes au niveau des facteurs composant la note globale. Le Luxembourg se classe 27e dans le sous-pilier « Knowledge », 12e dans « Technology » et 23e pour « Future Readiness ». Il s’avère que les pays qui mènent ce classement sont également pour la plupart ceux qui figurent dans le top 10 du WCY, à part le Luxembourg, dont la 20e place est en décalage avec la 8e place au classement sur la compétitivité générale. Le top 5 est constitué de Singapour suivi de la Suède, des USA, de la Finlande (4e dans le classement digital mais 15e dans le classement général) et du Danemark.
Ce décalage peut s’expliquer par le fait que les pays les mieux classés dans les deux rapports sont ceux qui misent sur le potentiel humain notamment dans les domaines de la formation tout au long de la vie et de la recherche. Les indicateurs sous-jacents sont pour la plupart ceux où le Luxembourg se trouve au milieu de classement. Dans le pilier « Knowledge », cela concerne par exemple les indicateurs « Digital/Technological skills » (19e) et « Total expenditure on R&D (%) » (31e). Mais également dans le pilier « Future Readiness », les indicateurs « E-participation » (37e), « E-Governement » (24e) ou encore les indicateurs relatifs à l’intégration des technologies numériques dans les entreprises (16e, notamment du à une adoption parfois hésitante des technologies numériques par des PME) révèlent les limites du Luxembourg quant à sa capacité de pouvoir suivre le rythme de développement des pays les plus avancés en matière de digitalisation. En dépit de ces lacunes, il faut toutefois relever que le Grand-Duché affiche de très bons résultats en ce qui concerne la gestion des talents. Pour les indicateurs « International experience » et « Foreign highly-skilled personnel », le Luxembourg se classe au 5e respectivement au 6e rang.
Le pilier « Technology », quant à lui, affiche des résultats plus positifs pour le Luxembourg. Les aspects technologiques dans les investissements « IT & media stock capitalization » (1e) ou encore le cadre règlementaire (hormis celui relatif à la création d’entreprises en général) se portent plutôt bien. Par contre, les indicateurs « Investment in Telecommunications » (23e), « Internet bandwidth speed » (38e) ou encore « High-tech exports (%) » (51e) constituent les points faibles de ce pilier et laissent entendre que les investissements dans les infrastructures digitales devraient être renforcés.
Le rapport sur la compétitivité digitale de l’IMD partage en grande partie les mêmes conclusions que le « Digital Economy and Society Index » (DESI) de la Commission européenne. Selon le DESI, le Luxembourg affiche des déficits dans des domaines comme l’agilité, la culture organisationnelle, l’intégration des technologies numériques ou encore les services publics numériques. Par contre, le Luxembourg se place relativement bien dans les indicateurs liés à l’emploi et à l’utilisation d’Internet. De même pour les infrastructures digitales : le Luxembourg affiche d'excellents résultats pour le pilier « Connectivity » (2e), ce qui n’est pas forcément le cas dans l’analyse de l’IMD. Ceci s’explique notamment par les différentes méthodologies utilisées par les deux institutions. Tandis que la Commission n’utilise que des indicateurs reflétant la qualité des infrastructures digitales (p.ex. « 4G coverage », « Subscriptions to Fast Broadband »), IMD utilise une définition plus large du sous-pilier « cadre technologique » en faisant entrer des indicateurs évaluant l’usage (« Internet Users »), la production (« High-tech exports (%) ») ou encore la qualité des infrastructures digitales (« Internet bandwidth speed »).
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[1] Depuis 1989, l’institut suisse IMD (International Institute for Management Development) analyse la compétitivité de quelque 60 pays. Le classement est basé tant sur des indicateurs statistiques (hard data) que sur l’opinion des décideurs économiques et des dirigeants d’entreprises, enquête coordonnée par la Chambre de Commerce pour le volet luxembourgeois. Plus précisément, l’enquête IMD repose sur l’examen de 260 indicateurs rassemblés sous quatre piliers, à savoir les performances économiques, l’efficacité des pouvoirs publics, l’environnement des affaires et la qualité des infrastructures.
[1] Selon l’OCDE : « Le cadre inclusif rassemble plus de 100 pays et juridictions qui travaillent en collaboration pour lutter contre l’érosion de la base fiscale et les transferts de bénéfices (BEPS). »
[2] Assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés, initiative lancée par la Commission européenne.
[3] The first factor, Knowledge, reflects a country’s capacity to understand and learn the new technologies. Most importantly, it attempts to quantify the ability of a country to further extend or discover new technologies. These elements are captured by criteria that measure the talent availability in a country, the level and quality of education and training as well as the production of knowledge.
The second factor measures the technology environment of an economy, that is, the competence to develop new digital innovations. It is based on quantifying how supportive the regulatory environment is, how advanced the technological framework is and whether an economy provides capital to invest in technology.
The final factor reflects on the readiness of an economy for the coming developments. This element of preparedness is calculated by taking into consideration how adaptive a particular economy is, the level of agility exhibited in the country as well as the level of integration of the digital technologies in the economy.