IMD World Competitiveness Yearbook 2020
Le Luxembourg perd trois rangs au sein de l’édition 2020 du World Competitiveness Yearbook (WCY) de l’institut suisse IMD[1] par rapport à l’année précédente, se situant ainsi à la 15ème place. S’il s’agit davantage d’un recul que d’une véritable chute, l’économie luxembourgeoise n’a jamais été aussi mal classée entre les années 2010 et 2020. En effet, les faiblesses de la compétitivité luxembourgeoise tendent à se renforcer plus qu’à se résorber. Trois domaines ressortent au moment d’examiner les carences actuelles du modèle économique luxembourgeois. Avec une stagnation continue de la productivité, le Luxembourg arrive au bout de son modèle de croissance extensive, ce qui appelle à une transition (rapide) vers la croissance qualitative. En outre, la difficulté à trouver les talents s’accroît chaque année. Enfin, le Luxembourg prend un certain retard en matière de transformation digitale par rapport aux économies les plus avancées dans ce domaine.
Le Luxembourg a tous les atouts pour mieux réussir que d’autres la relance économique à la suite de la crise du Covid-19. Il dispose notamment de marges financières supérieures à la plupart des autres économies européennes et d’une ambition affichée, que ce soit en termes de niches de croissance ou de digitalisation. Le Luxembourg devra toutefois construire le plan de relance adapté pour soutenir l’économie et regagner en compétitivité. Nul doute que les faiblesses mises en exergue par ce classement sont un sérieux avertissement alors que le monde d’après, au cœur de l’actualité, sera un monde digitalisé où les secteurs à forte valeur ajoutée, la capacité à innover et les talents feront toute la différence.
L’édition 2020 du WCY voit donc le Luxembourg s’éloigner durablement du top 10 des pays les plus compétitifs. Le pays conserve pourtant des points forts : une croissance soutenue, des finances publiques relativement saines, une place financière compétitive sur le plan international ou encore une législation qui attire les demandes de brevets. Mais les points faibles sont, eux aussi, nombreux, notamment quant à l’avancée technologique de l’économie, aux difficultés de recrutement ou encore à la pression fiscale élevée.
A court terme, l’enjeu est de relancer l’économie à la suite du coup d’arrêt inédit provoqué par la crise sanitaire du Covid-19. Cependant, le Luxembourg devra répondre rapidement à son principal défi depuis des années, à savoir réactiver une productivité atone. En effet, l’économie luxembourgeoise, l’une des plus productives au monde, ne progresse plus depuis plusieurs années car les activités à haute valeur ajoutée sur lesquelles elle s’est appuyée sont moins porteuses. Accélérer la productivité est tout l’enjeu de la croissance qualitative, qui doit replacer le Luxembourg parmi les leaders sur ce plan. C’est ainsi que les prochaines éditions du classement IMD permettront de juger d’un rebond, ou non, de la compétitivité luxembourgeoise dans le monde d’après-crise.
Le podium des pays les plus compétitifs est constitué en 2020 de Singapour, du Danemark et de la Suisse, devant les Pays-Bas et Hong Kong. Si la Suisse n’a pas fait mieux que le Luxembourg pour l’évolution de sa productivité, celle-ci s’est accrue de 1,56% à Hong Kong, de 1,0% à Singapour, de 0,65% au Danemark et de 0,58% aux Pays-Bas, contre 0,11% au Grand-Duché. Ces économies, à la productivité relativement proche du Luxembourg, ont su continuer à l’améliorer. Tous ces pays devancent le Luxembourg sur les différents indicateurs liés à la digitalisation, l’un des leviers accessibles pour poursuivre l’amélioration de l’efficience économique.
Le domaine des performances économiques est l’un des quatre principaux piliers du classement IMD. C’est aussi celui pour lequel le Luxembourg est le mieux positionné avec une 8ème place. Le pays figure dans le top 10 pour le « Commerce international », les « Investissements internationaux » et l’« Emploi », en raison de son ouverture sur le monde et de la croissance soutenue de son marché du travail. La croissance vigoureuse de l’économie ne permet toutefois pas une augmentation du niveau de vie car la population croît au même rythme que l’activité économique. Les exportations de services constituent la pierre angulaire de l’économie luxembourgeoise. Elles représentent plus de 1,5 fois le PIB luxembourgeois.
Le Luxembourg est à la 12ème place pour l’efficacité des pouvoirs publics, sortant ainsi du top 10 pour ce pilier. Si les finances publiques sont saines, les fortes hausses récentes des dépenses publiques laissent entrevoir des budgets futurs moins robustes. Alors que le dernier budget pluriannuel reposait sur des projections optimistes, l’Etat luxembourgeois devra arbitrer davantage dans ses dépenses au moment où les recettes diminueront et où le budget devra se concentrer sur la relance de l’économie. Le « Cadre institutionnel et la « Législation des affaires » sont toujours considérés comme des atouts du site luxembourgeois. Toutefois, après le retard pris ces dernières années, le Luxembourg ne regagne pas de terrain sur le plan de la compétitivité fiscale.
De même, l’économie luxembourgeoise perd cinq places pour l’environnement des affaires, se situant ainsi à la 17ème position. La baisse des marchés boursiers luxembourgeois a provoqué la perte de huit places dans le domaine de la finance, pourtant point fort du Grand-Duché. Outre ce domaine de l’environnement des affaires, il sera également important d’observer l’évolution de la transition digitale, en retrait au Luxembourg, la large thématique des talents, de plus en plus importante pour l’économie, la responsabilité sociale des entreprises qui peut être intégrée davantage dans les stratégies et la motivation des salariés pour laquelle le Grand-Duché est à la 25ème place.
Le dernier pilier de la compétitivité, les infrastructures, est celui pour lequel le Luxembourg est le moins bien placé avec une 24ème place. Le Grand-Duché souffre de sa faible taille pour certains indicateurs. Surtout, son activité est moins spécialisée sur les hautes technologies que d’autres économies équivalentes. La stratégie de la Troisième révolution industrielle doit contribuer à l’amélioration de son classement, tant dans les infrastructures de base que dans le domaine de l’environnement. Malgré des progrès récents, le Luxembourg n’est toujours que 45ème pour la part des énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie. Les dépenses importantes en matière d’éducation n’empêchent pas les Luxembourgeois d’osciller entre bonnes performances linguistiques et un retard dans les matières scientifiques. Les dirigeants d’entreprises placent l’éducation et l’enseignement supérieur dans la moyenne, soit autour de la 30ème place, pour leur capacité à répondre aux besoins de l’économie.
La main-d’œuvre qualifiée intègre en cette année 2020 les cinq premiers « key attractiveness indicators » du Luxembourg selon les entrepreneurs interrogés, tandis que la prédictibilité des politiques et le dynamisme économique sont des priorités en ces temps de crise :
- « Policy stability & predictability »,
- « Dynamism of the economy »,
- « Business-friendly environment»,
- « Skilled Workforce »,
- « Competitive tax regime».
Par ailleurs, disposer d’infrastructures fiables est cité par 39% des dirigeants d’entreprises en 2020, contre seulement 27% d’entre eux l’an dernier. Ceci illustre l’inquiétude grandissante concernant la capacité des infrastructures luxembourgeoises à répondre aux besoins d’un pays en croissance.
Consulter la totalité de l'analyse de la Chambre de Commerce dans le document ci-dessous.
Vous trouverez par ailleurs les résultats internationaux de classement IMD via ce lien : https://www.imd.org/wcc-press/home/?access=pressGekmHrwcc
[1] Depuis 1989, l’institut suisse IMD (International Institute for Management Development) analyse la compétitivité de plus de 60 pays. Le classement est basé tant sur des indicateurs statistiques (hard data) que sur l’opinion des décideurs économiques et des dirigeants d’entreprises. L’enquête est coordonnée par la Chambre de Commerce pour le volet luxembourgeois. Plus précisément, l’enquête IMD repose sur l’examen de 235 indicateurs rassemblés sous quatre piliers, à savoir les performances économiques, l’efficacité des pouvoirs publics, l’environnement des affaires et la qualité des infrastructures.